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Décryptages

Les enjeux du lancement d’Orange Money en France


C’est désormais officiel! Ce lundi 6 juin 2016, à l’occasion d’un déjeuner de presse auquel était conviée l’équipe d’Innogence Pulse, le groupe Orange a annoncé le lancement de sa solution de paiement mobile sur le territoire français. Patrick Roussel, le directeur commercial grand public a été chargé de cette annonce qui marque une avancée majeure dans la stratégie de croissance de l’opérateur télécoms.


Depuis près d’un an, Orange avait en effet entamé une phase pilote de son service auprès d’un échantillon de 1000 clients sélectionnés dans son « expérience strore » de l’avenue de Saint-Ouen, dans le 17e arrondissement de Paris. Désormais, tous les abonnés qui le souhaitent pourront utiliser la solution Orange Money pour transférer de l’argent à leurs proches. Dans un premier temps, le service ne sera disponible que pour des envois de fonds à destination du Sénégal, du Mali et de la Côte d’Ivoire, avec l’objectif d’attirer 10.000 clients d’ici à la fin de l’année et 20% du nombre total des transactions à terme.


L’Afrique, principal relais de croissance du groupe


Dans son nouveau plan stratégique présenté en mars 2015 et baptisé « Essentiels2020 », Stéphane Richard présentait le continent africain comme le relais de croissance majeur pour son groupe dans les années à venir. Depuis 2007, l’opérateur poursuit en effet une politique sélective de développement et de gestion de son portefeuille d’activités, orientée principalement vers les marchés émergents. La zone Afrique-Moyen Orient est actuellement la région la plus dynamique pour Orange et la seule zone dans laquelle le groupe français a vu ses revenus progresser au cours de l’année 2015. Sur les 40,236 milliards d’euros de chiffre d’affaires réalisés, 4.899 milliards d’euros l’ont été en Afrique, représentant une hausse de 5,1 % sur un an. Pendant ce temps, ce chiffre était en baisse de 1,7 % en Europe (9,963 milliards d’euros) et de 0,8 % en France (19,14 milliards d’euros). Du côté des abonnés, l’Afrique représente aujourd’hui près de 50% de la clientèle du groupe. Sur les 262,9 millions de clients que comptait l’opérateur dans le monde en fin d’année 2015, 110,2 millions y ont été recensés, soit une hausse de 13% correspondant à 12,7 millions de clients supplémentaires.


L’Afrique représente 11,4% de chiffre d’affaires pour Orange et 58% de ses clients mobile

Même si pour Orange, le revenu moyen par abonné (ARPU) est relativement faible en Afrique (entre 1 et 4€ contre 27 euros en moyenne en France), l’opérateur a appris à le compenser en développant autour de son activité de télécommunications, des services annexes à forte capacité rémunératrice. Aujourd’hui, parmi ceux qui offrent le plus de satisfaction, Orange Money, le service de paiement mobile lancé par l’opérateur est incontestablement celui qui ressort en tête de liste, totalisant aujourd’hui près de 18 millions de clients. Mais si le marché africain représente de par son potentiel une excellente aubaine pour le géant français, ce dernier doit néanmoins faire face à une concurrence ardue de la part de ses homologues notamment britanniques (Vodafone), sud-africains (MTN), émiratis (Etisalat) et indiens (Airtel). Emboitant le pas à Safaricom, la filiale kenyane de Vodafone à l’origine du premier service de paiement mobile en mars 2007, chacun de ces opérateurs s’est mué en acteur financier et, profitant du faible niveau d’inclusion financière, propose désormais des services d’argent mobile à tout une partie de la population exclue du système bancaire.

La forte concurrence dans le secteur du « mobile money » a poussé ces acteurs à évoluer lors de leur phase de développement au sein d’écosystèmes fermés de transfert d’argent. Dans cette région du monde où le taux de pénétration du mobile dans certains pays est supérieur à 100% et où le nombre de service de paiement mobile ne cesse de croître, il était primordial de ne pas rendre les différents services interopérables, afin de renforcer leur parts de marchés respectives et de s’attirer chacun, la plus grande clientèle possible. De ce fait, il était impossible d’effectuer des transferts de fonds au-delà des frontières nationales, même entre des filiales d’un même opérateur. Mais depuis, les choses ont évolué. Partout sur le continent, des accords sont en train d’être noués, afin de rendre possible le transfert de fonds, à la fois entre services d’un même opérateur mais également entre des solutions pourtant concurrentes.


L’interopérabilité des services de mobile money en Afrique de l’ouest // Source : GSMA

Les enjeux du lancement d’Orange Money en France


Avec plus de 40 milliards d’euros envoyés chaque année dans leur pays d’origine, les migrants africains sont les acteurs les plus importants du développement de leur continent. Les transferts d’argent qu’ils effectuent représentent une manne financière colossale que se partagent les grandes sociétés de transfert d’argent, aux premiers rangs desquels Western Union et Money Gram. Le lancement d’Orange Money en France répond ainsi avant tout, au désir de l’opérateur de capter une partie de ces flux Nord-Sud et de venir ainsi contester la place des deux leaders historiques.


Pour ce faire, Orange a préparé en coulisse depuis de longs mois, le lancement de sa solution sur le marché français. Afin de pouvoir délivrer ce service, il lui a fallu obtenir une licence d’Établissement de monnaie électronique, c’est-à-dire l’établissement bancaire habilité par les banques centrales à pratiquer l’encaissement et le transfert d’argent électronique à base de technologie de type USSD. Cette licence, l’opérateur l’a obtenue à la fois auprès de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et auprès de la Banque de France, par le biais de sa filiale W-HA qui possède déjà depuis 2010, le statut d’établissement financier agréé.


Le lancement concomitant du service au Sénégal, au Mali et en Côte d’Ivoire répond à un objectif stratégique pour l’opérateur. Sur les 18 millions de clients Orange money (pour 650 millions d’euros de transactions par an), dix proviennent de ces trois pays qui représentent de fait les marchés les plus matures, possédant les plus solides circuits de distribution et le plus fort taux d’adoption. L’objectif était donc de brancher ces comptes clients sur la possibilité de transférer de l’argent de la France vers ces trois pays, d’autant plus que dans l’hexagone, l’opérateur a identifié aujourd’hui près d’un million de personnes issues de cette diaspora.


Fonctionnement du service Orange International Money

Avant de lancer sa solution sur le territoire français, Orange a commencé par connecter en juillet 2013, les trois pays d’Afrique occidentale entre eux avec un service baptisé « Orange International Money », facilité par la monnaie commune qu’ils partagent. Le service a rapidement été un succès, reflétant la forte attente du marché qui jusqu’à présent, du fait notamment des frais de transfert trop élevés (en moyenne de 12 %) passait souvent par des circuits informels pour transférer de l’argent à l’étranger.


En termes de données de performance, c’est la Côte d’Ivoire qui arrive en tête des trois, étant le marché d’envoi dominant en volume et en valeur de transactions. Le Mali quant à lui dispose des taux d’adoption les plus élevés en termes de réception de fonds. Ces chiffres se justifient par une dépendance plus élevée sur les transferts informels coûteux et précaires au Mali, qui donne à Orange Money un avantage important. Le Sénégal de son coté a les taux d’adoption les plus bas, reflétant une demande plus faible pour les envois de fonds à destination et en provenance de la Côte d’Ivoire et du Mali.


Le fonctionnement du service en France


Pour être éligible à l’offre et pouvoir ouvrir un compte orange Money, les utilisateurs doivent remplir la condition initiale d’être titulaires ou d’avoir la jouissance d’une ligne mobile Orange compatible, souscrite en France Métropolitaine pour leurs besoins personnels. À partir du numéro de téléphone Orange et muni d’une pièce d’identité et d’un justificatif de domicile, la création du compte s’effectue en magasin, où le client définit le montant qu’il désire charger sur son compte, pour un paiement par carte bancaire ou en espèce.


Le premier “Experience Store” Orange Money, lancé le 9 juillet 2015 à Paris, avenue de St Ouen. Source photo : Générale De Téléphone

La distribution d’Orange Money se fera dans la boutique de Saint-Ouen, mais également grâce à un système de tablettes destinées à la création de comptes, dans une quarantaine de points de vente avec des partenaires qui seront habilités à recevoir sous forme de paiements, des crédits sur les comptes Orange Money que les clients pourront ensuite utiliser à leur guise. Ces partenaires ont été sélectionnés selon leur emplacement en zones périurbaines, donc proches de la localisation des communautés. À noter que les transferts seront disponibles à la fois pour des envois de la France vers les 3 pays sélectionnés, mais également entre clients Orange Money en France.


Face à la concurrence, l’opérateur avance aussi des arguments de taille. En effet dans ces trois pays, Orange qui exerce en tant qu’opérateur, dispose d’un réseau de près de 10.000 points de retraits par pays, contre seulement 300 en moyenne pour Western Union ou Money Gram. Ensuite, grâce aux économies d’échelle réalisées dans les pays d’arrivée, l’opérateur peut proposer une tarification ultra compétitive pour ses transferts d’argent : pour un montant allant jusqu’à 100€ d’envoi, les frais s’élèvent à seulement 3€, pour un montant inférieur à 250€, c’est 5€ et pour un montant inférieur à 400€ (le seuil d’envoi journalier), ces derniers s’élèvent à 8€. À noter que l’opérateur plafonne pour l’instant les envois mensuels à 2000€. Pour le lancement, Orange proposera par ailleurs à ses abonnés une période promotionnelle qui s’étalera jusqu’à mi-juillet et qui offrira à tous les clients une réduction de 50% sur les tarifs Orange Money.


Outre le corridor de départ, Orange prévoit d’ouvrir les transferts de la France vers l’Afrique à d’autres pays, aux premiers rangs desquels le Niger et le Cameroun pour lequel des négociations actives sont en cours avec la Banque des États d’Afrique Centrale.


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