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Décryptages

La Côte d’Ivoire révolutionne son système d’adressage grâce à What3words


La poste de Côte d’Ivoire vient de signer un accord de partenariat avec la startup anglaise What3words pour implémenter son système révolutionnaire d’adressage. Le pays devient ainsi le premier État africain et le second au niveau mondial après la Mongolie à adopter ce système.


La Côte d’Ivoire, qui compte à l’heure actuelle 22,7 millions d’habitants, connaît une croissance extrêmement rapide de sa population. Ce pays de la sous-région ouest-africaine, présenté comme son principal poumon économique, continue inlassablement d’attirer de nombreuses populations des pays alentours ainsi que des expatriés du monde entier sur son territoire. Sa capitale économique, Abidjan, ne finit plus de s’étendre aux faubourgs alentours, pour faire face à l’affût massif de particuliers ou d’entreprises, venus profiter du potentiel incroyable de ce pays. Après plusieurs années de crise, la Côte d’Ivoire est donc repartie de plus belle, avec une croissance de son PIB de l’ordre de 8,5 % par an en moyenne, sur la période 2012 à 2015, soit l’une des meilleures performances d’Afrique subsaharienne. L’économie ivoirienne devrait continuer de bien se porter, avec des prévisions de croissance du PIB réel de 7,8 et 8 % pour les années 2016 et 2017 respectivement. Fort de ces prédictions optimistes, la Côte d’Ivoire nourrit de grandes ambitions et a décidé de s’en donner les moyens.


Le pays s’est en effet lancé dans une course à l’émergence à l’horizon 2020, au travers du nouveau programme national de développement (PND), adopté pour la période 2016-2020 en vu de remplacer le plan précédent couvrant les années 2012 à 2016. Les grandes réformes structurelles déjà entamées visent à maintenir une croissance soutenue et inclusive, impulsée par le secteur privé. À la faveur de projets faramineux financés à hauteur de plusieurs milliards de dollars ces dernières années (ponts, trains, autoroutes…), la Côte d’Ivoire voit s’installer plusieurs noms d’acteurs importants. Ainsi, la FNAC, chaîne de magasins française spécialisée dans la distribution de produits culturels et électroniques, a notamment ouvert deux magasins (d’une surface de 300 et 800 m²) à Abidjan, en partenariat avec le groupe Prosuma (Société Ivoirienne de Promotion de Supermarchés). Le groupe Carrefour de son côté, s’alliant avec CFAO (filiale depuis 2012 du japonais Toyota Tshusho Corporation et groupe rival de Prosuma) a également ouvert un imposant hypermarché dans le tout nouveau centre commercial PlaYce Marcory, inauguré par le Président de la République il y a tout juste un an. Carrefour n’est d’ailleurs pas la seule grande enseigne présente dans cette galerie marchande, qui compte également d’autres noms connus comme La Halle, Cache Cache, Bonobo, La Grande Récré, ou encore Burger King.


Avec une classe moyenne en forte progression et avide de consommation, le e-commerce s’est aussi considérablement développé concomitamment à l’essor d’Internet dans le pays. En effet l’Autorité de régulation des télécommunications de Côte d’Ivoire, dans son dernier rapport, enregistre près de 7.500.000 abonnés à Internet (à plus de 95% des abonnés sur mobile). Si des groupes tels que Afrimarket ou encore Jumia, propriété de l’Allemand Rocket Internet (l’un des principaux actionnaires de Jumia, avec la holding d’investissement suédoise Kinnevik), ainsi que ses marques affiliées (Jumia Travel, Jumia Food, Jumia Market, Jumia House) tirent profit de l’attrait des Ivoiriens pour le e-commerce, la mauvaise expérience du groupe Cdiscount sonne comme un dur rappel à la réalité, puisque le français qui s’était lancé en grandes pompes sur trois marchés africains (le Cameroun, le Sénégal et la Côte d’Ivoire), a fini par plier bagage en à peine deux ans,  mettant un terme à son aventure  africaine par la fermeture de ses bureaux ivoiriens le 5 décembre dernier.


Si la variable prix demeure l’une des plus importantes aux yeux des consommateurs, celle de la livraison est tout aussi cruciale. Or à l’instar du reste de l’Afrique, la Côte d’Ivoire a encore d’énormes progrès à faire en la matière. Aujourd’hui encore, le pays ne compte que quelques adresses de rues et de nombreux établissements informels sans système d’adressage. De fait, la localisation géographique des lieux et les directions associées sont donc pour la plupart approximatives. À titre d’exemple, des descriptions telles que “en face de la station d’essence” ou encore “près de l’Hôtel Ivoire” y sont légions, lorsque l’on souhaite décrire le lieu de livraison pour un produit acheté en ligne. Dès lors le manque à gagner s’avère considérable, surtout par le fait que le professionnel se retrouve restreint à un nombre de livraisons journalières bien en deçà du seuil optimal, sans compter les risques encourus lorsque le produit n’est pas livré à la bonne adresse (vols de marchandises, agressions, temps perdu, client mécontent…). Le e-commerce n’est pas le seul à pâtir des défauts du système d’adressage dans le pays. Les services de VTC (Véhicules de Transports avec Chauffeurs) qui pullulent désormais dans la capitale ivoirienne, mais également les interventions importantes, voire vitales, telles que celles de la police ou des pompiers, subissent également une perte de temps considérable à essayer de repérer l’adresse exacte d’un lieu indiqué. Pour un pays avec d’aussi grandes ambitions que la Côte d’Ivoire, il était temps de réagir.


La Poste et What3Words changent le paradigme de l’adressage en Côte d’Ivoire


Comme nous le décrivions dans notre billet sur la jeune pousse publié en début d’année, What3words est un système d’adressage universel, basé sur un quadrillage de 3m x 3m réalisé par la startup sur toute l’étendue de la planète. Une adresse unique de « trois mots fixes » a été ensuite attribuée à chacun des 57 mille milliards de carrés de 3m x 3m qui existent dans le monde (dont 323 milliards pour la Côte d’Ivoire). Plus simple que les coordonnées GPS utilisées jusque là pour identifier des lieux sans adresses, cette solution permet l’attribution de mots à n’importe quel emplacement au lieu d’adresses trop longues à retenir et bien souvent moins précises. On pourra donc se trouver avec le set “hangar.téléphone.mobilier” désignant un lieu exact à l’échelle de la planète. 


Avec cette annonce, La Poste de Côte d’Ivoire se positionne donc plus que jamais au niveau national, comme l’acteur principal des services de livraison à domicile. L’entité s’est dite confiante dans le fait que l’intégration de cette solution d’adressage dans les infrastructures du pays et dans ses services, permettra de déverrouiller la croissance économique de la région et stimuler le développement. Pour son PDG, Isaac Gnamba-Yao, « l’explosion du e-commerce, la croissance démographique des villes et l’émergence de la classe moyenne, contraint les pays africains à résoudre leurs problèmes d’adressages ». En cela, What3words constitue le partenaire idéal pour La Poste de Côte d’Ivoire, dans la mise en place d’une solution d’adressage simple, robuste, multi-langues et déployable immédiatement ». L’intégration de What3words à l’application mobile de La Poste de Côte d’Ivoire permettra désormais aux utilisateurs d’identifier n’importe quelle adresse à trois mots et de l’inscrire sur une enveloppe ou un colis pour expédition.


Isaac Gnamba-Yao, CEO de La Poste de Côte d’Ivoire en compagnie de Jan Jakubowski, Directeur des partenariats chez What3words

Le système What3words apportera également un soutien significatif à La Poste, dans la réalisation d’un contrat qu’elle a signé avec OCP Africa, filiale d’OCP Group, le leader mondial de la production et la distribution de phosphates et autres produits agricoles. C’est d’ailleurs avec OCP que débutera ce projet baptisé “Dor2Dor” (porte-à-porte en français), entre la Poste et What3words. L’entreprise distribuera ainsi les produits OCP aux 5000 grossistes qui travaillent avec les quelques 7 millions d’agriculteurs ivoiriens. Une application mobile sera d’ailleurs développée à cet effet, avec une partie consacrée à OCP et La Poste, et l’autre dédiée aux clients finaux, à savoir les agriculteurs.


BeBound apporte son savoir-faire en réponse aux problèmes de connectivité


Si l’utilisation d’Internet peut s’avérer aisée à Abidjan grâce à la bonne couverture réseau de la capitale ivoirienne, celle-ci se retrouve sérieusement altérée en dehors des quelques grandes villes du pays. La Côte d’Ivoire a en effet une couverture réseau n’excédant pas les 20% de son territoire. Dès lors, pour qu’un tel projet aboutisse, il était primordial d’y associer un moyen de permettre aux populations où qu’elles soient, de pouvoir accéder à Internet afin de se localiser et identifier une adresse en trois mots.


La startup anglaise What3Words a donc décidé de s’associer à sa cousine française BeBound, afin de répondre à ce défi, dans le cadre du “Project Dor2Dor”. BeBound, l’une des jeunes pousses les plus prometteuses actuellement, a en effet développé une technologie mobile ouverte, simple et prête à l’emploi, permettant de rester connecté même sans accès à Internet. Techniquement, dès lors qu’un signal téléphonique existe, même faible (c’est-à-dire uniquement de la 2G), la startup arrive à compresser les données web et à les faire circuler si besoin, uniquement via SMS. Ainsi, les utilisateurs peuvent bénéficier d’une connexion constante même dans les régions les plus reculées.


En intégrant la technologie de BeBound à sa plateforme, What3Words peut donc sérieusement nourrir l’ambition de voir la Côte d’Ivoire adopter ces suites de 3 mots, beaucoup plus rapidement que prévu.

Afrimarket et d’autres acteurs prévoient également d’intégrer What3words


La Poste de Côte d’Ivoire n’est pas la seule à avoir été séduite par ce nouveau système d’adressage. D’autres acteurs importants du e-commerce ont également été conquis par What3words. C’est le cas notamment de la jeune pousse Afrimarket, l’un des initiateurs du très prometteur concept de Cash-to-goods, également propriétaire d’une boutique en ligne. Tous les jours, plusieurs centaines de clients Ivoiriens (mais également Sénégalais, Camerounais, Béninois et Togolais) se connectent sur son site de e-commerce dédié, afin d’acheter en ligne des denrées alimentaires, produits électroménagers, de beauté, d’entretiens, etc. Intégrer le système What3words à son offre permettra à Afrimarket de répondre de manière plus efficace aux exigences toujours plus grandissantes de ses clients, notamment en matière de livraison. 


Avec What3words, chaque habitation possède désormais une adresse en 3 mots, comme ici à Yamoussoukro, capitale politique de la Côte d’Ivoire

What3words est également en cours de finalisation de contrats avec de nombreux e-marchands (Yaatoo, Just1click) pour l’intégration de sa solution à leurs offres de services. Sous peu, il sera également possible de se faire livrer ses documents administratifs à domicile après avoir finalisé les procédures sur Document.ci.


Disponible en quatorze langues, dont le français, l’anglais ou encore le swahili, What3words peut-être utilisé par des individus, des sociétés de livraisons, des outils de navigation, des gouvernements, des guides touristiques ou même des ONG. Si son adoption en Côte d’Ivoire se révèle concluante, la startup pourrait voir s’ouvrir devant elle les portes d’un continent tout entier, qui tirerait alors profit du retour d’expérience ivoirien.


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