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Décryptages

Accès à l’énergie en Afrique [Partie 1] : état des lieux des ressources continentales


Avec 1,2 milliard d’habitants, l’Afrique est aujourd’hui le deuxième continent le plus peuplé au monde derrière l’Asie qui abrite 4,4 milliards d’habitants. Paradoxalement, c’est également la région du monde où l’on consomme le moins d’énergie. En effet, malgré la demande locale croissante, la consommation annuelle moyenne par personne s’élève à 496 kWh en Afrique Subsaharienne, contre 6944 kWh en France et 12972 kWh aux Etats-Unis.


Le niveau de consommation est étroitement lié à la quantité d’énergie produite sur ce continent dont la puissance installée est de 160.000 MW, soit un niveau inférieur à celui de l’Allemagne. Une capacité de production majoritairement portée par les pays d’Afrique du Nord et par l’Afrique du Sud, tandis que la puissance installée de l’Afrique subsaharienne (hors Afrique du Sud) s’élève à environ 53.000 MW. Or, un approvisionnement fiable, suffisant et stable en énergie constitue un prérequis important dans la lutte contre la pauvreté, la malnutrition, les changements climatiques, les difficultés d’accès à la santé et à l’éducation, et plusieurs autres maux auxquels sont confrontés (dans une certaine mesure et à des degrés variables) des populations africaines pour lesquelles l’accès à l’énergie est loin d’être un acquis.



Aujourd’hui, seulement 44% des populations africaines ont accès à l’électricité. Pris comme tel, ce taux peut se révéler trompeur car en réalité, certaines régions comme l’Afrique du Nord enregistrent un taux d’électrification quasiment égal à 100%, tandis que seulement 38,3% des populations subsahariennes ont accès à l’électricité, dont 85% de taux d’électrification pour l’Afrique du Sud. Cette répartition inégale de l’accès à l’énergie laisse ainsi plus de 600 millions d’Africains dans le noir, dont la grande majorité fait partie des 63% de la population continentale vivant en zones rurales, dont à peine 10% sont couvertes par les réseaux nationaux de distribution d’électricité. Pourtant, même pour les personnes habitant les zones desservies par ce réseau, les prix prohibitifs et le manque de fiabilité de ce dernier entravent considérablement la fourniture d’électricité. L’on comprend dès lors pourquoi cette problématique de l’accès à l’énergie, de part sa criticité pour le développement économique et le nombre de personnes concernées, a été incluse dans le périmètre de l’Objectif 7 de Développement Durable des Nations Unis, ayant notamment pour but de garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, le tout à un coût abordable.

 

Au vu du fort taux de croissance d’une population qui devrait atteindre près d’1,5 milliard d’âmes à l’horizon 2030, l’Agence Internationale de l’Énergie Renouvelable (IRENA) estime que la demande nette en électricité de l’Afrique devrait passer de 1800 à 2200 TWh, soit une hausse de 22%. En outre, ce manque croissant nécessiterait une augmentation proportionnelle de la puissance installée de 160 GW à 250, voire 480. À en croire les prédictions estimant à 4,2 milliards la population africaine en 2100, la pénurie d’énergie sur le continent devrait continuer d’évoluer à la hausse dans les années à venir.


Si l’accès à l’électricité conditionne fortement la disponibilité de services essentiels tels que les soins de santé, l’approvisionnement en eau potable, ou encore la sécurité des populations, il est également indispensable pour le développement de plusieurs secteurs d’activités. En effet, bénéficier d’une source d’énergie stable et suffisante permet entre autres d’améliorer significativement la productivité du secteur agricole (faisant fonctionner des systèmes de pompage d’eau pour l’irrigation), ou encore augmente les performances commerciales des États (grâce à l’installation d’usines de transformations de matières premières). Cette dépendance des économies vis-à-vis de l’accès à l’électricité est clairement illustrée par le manque à gagner occasionné par le déficit en énergie du continent africain, qui selon la Banque Africaine de Développement équivaudrait à 2% de son PIB.


Aujourd’hui encore, les populations africaines lésées par le réseau électrique ont très souvent recours aux sources d’énergie fossiles (charbons, pétrole, etc.), ou aux batteries jetables comme source d’éclairage. Ces alternatives, très polluantes pour la plupart, sont non seulement à l’origine de problèmes de santé relativement graves (ex : troubles respiratoires), mais s’avèrent également préjudiciables pour la sécurité des utilisateurs, notamment à cause du risque d’incendie encouru lors de leur utilisation. D’après la Banque mondiale, près de 600.000 personnes seraient ainsi décédées à cause de la pollution de l’air intérieur en Afrique durant l’année 2012, un nombre de victimes supérieur à celui enregistré pour la tuberculose, le VIH et le paludisme chaque année. Bien que néfastes, ces sources d’énergie occupent, du fait de leur nécessité, une part  non négligeable dans le budget des ménages africains. En effet, outre les 17 milliards de dollars environ alloués chaque année par ces derniers à l’achat de kérosène, presque 15 milliards de dollars sont également dépensés annuellement pour l’achat de batteries destinées à recharger les téléphones mobiles. Au total, ce sont plus de 32 milliards qui sont ainsi consacrés à l’approvisionnement en kérosène, bougies ou autres batteries, soit environ 30% des revenus net de ces foyers.


Afin d’apporter une réponse pertinente à ce problème d’envergure, plusieurs projets d’électrification ont vu le jour en Afrique. Parmi ces derniers, Power Africa, une initiative américaine lancée en juillet 2013 par le Président de l’époque, Barack Obama, avec pour ambition de stimuler la croissance et le développement économique de l’Afrique, en favorisant un meilleur accès à l’énergie. Déployé sur une période de cinq ans, le programme réunit outre le Gouvernement américain, plusieurs pays africains, ainsi que des institutions de premier rang, à l’instar de la Banque Africaine de Développement. D’après l’agence de développement américaine, l’initiative aurait déjà permis d’augmenter de 27 GW la puissance installée sur le continent, et devrait à terme permettre de fournir 30 GW à quelques 60 millions d’Africains.


Également déployé en vue de promouvoir l’électrification de ces populations, Lighting Africa est un projet mené par la Banque mondiale en partenariat avec quelques pays de l’OCDE, avec pour ambition de mettre l’électricité à la portée de 250 millions de personnes d’ici 2030, en leur fournissant des kits solaires. Depuis le lancement du projet pilote en 2009 au Ghana jusqu’à ce jour, Lighting Africa a déjà permis à 15,8 millions de personnes de sortir de l’obscurité au travers de la vente de près de 12 millions d’appareils solaires.


Enfin, avec sa fondation Energies pour l’Afrique, l’ancien ministre francais de l’écologie, Jean-Louis Borloo, entendait amorcer une dynamique pour la création d’un fonds de soutien à l’électrification de l’Afrique, et ainsi créer un véhicule unique pour toutes les initiatives en faveur de l’électrification sur le continent. Ayant pour objectif d’électrifier toute l’Afrique en une décennie via un plan de financement de 4 à 5 milliards de dollars par an, la fondation a reçu le soutien de 41 chefs d’Etats africains. Après deux années passées à parcourir le continent, et malgré l’annonce du soutien du prince saoudien Al-Walid Ben Talal à son fonds, Monsieur Borloo annonçait le 15 février 2017 qu’il souhaitait désormais se mettre “au service d’une nouvelle cause collective”, mettant ainsi fin à son aventure africaine.


L’Afrique, un continent aux nombreuses ressources énergétiques


En matière d’énergie, le continent africain illustre assez bien l’adage selon lequel les cordonniers sont souvent les plus mal chaussés. En effet, contrairement aux apparences, les lacunes d’approvisionnement en énergie des populations africaines ne sont pas dues à un manque de ressources, loin de là. À ce jour, l’Afrique dispose de 8% des réserves mondiales de gaz et pétrole (principalement localisées en Afrique du Nord et dans les pays du Golf de Guinée), de 18% des réserves d’uranium (que l’on retrouve notamment en Namibie, en Afrique du Sud et au Niger), et de 4% du charbon (principalement localisé en Afrique Australe). Outre ces nombreux trésors dont regorgent son sol et son sous-sol, le continent africain est doté d’un potentiel énergétique considérable, notamment en ce qui concerne les énergies renouvelables, qui ne représentent pourtant qu’1% de son mix énergétique actuel.


Energie hydroélectrique


Avec des ressources de l’ordre de 350 GW, l’Afrique détient 10% du potentiel hydroélectrique mondial grâce notamment au Nil, au Zambèze, au Volta ou encore au fleuve Congo. Parmi les principales places fortes, on compte la République Démocratique du Congo (RDC) avec un potentiel de 100 GW (répartis sur 200 sites dont Inga qui possède à lui tout seul un potentiel de 43,2 GW), l’Ethiopie et le Cameroun. Seulement aujourd’hui, ces ressources ne sont exploitées qu’à hauteur de 8%, principalement en raison des investissements financiers importants que requiert la construction de centrales hydrauliques, dont le coût est environ 50% plus élevé que celui d’une centrale thermique, à charbon ou à gaz, pour une installation de 100 MW. Cette utilisation partielle des ressources disponibles est également une réalité à l’échelle régionale, notamment en Afrique de l’Ouest où seulement 16% des 25 GW de potentiel estimé sont aujourd’hui exploités.


Energie géothermique


De même, l’Est de l’Afrique qui regorge d’un important potentiel géothermique n’utilise à ce jour que 217 MW, alors que les dernières études estiment à 10.000 MW le potentiel du Kenya seul, et à plus de 15 GW celui de la vallée du Rift (traversant Djibouti, l’Ethiopie, le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie). Dans cette région tout particulièrement, de grands projets sont en cours de réalisation, comme celui de Menengai au Kenya, censé générer à terme, quelques 400 MW.


Energie éolienne


Aux réserves potentielles d’énergies renouvelables présentes en Afrique de l’Ouest et de l’Est, viennent s’ajouter celles des façades côtières du continent. Exposées à des vents de 6m/s minimum, celles-ci sont éligibles pour l’exploitation de l’énergie éolienne, principalement en Afrique du Sud, en Egypte, au Maroc, en Ethiopie et au Kenya, les cinq principaux fournisseurs d’énergie éolienne en Afrique. Seulement, la production installée actuelle est de 3,1 GW, avec des projets en cours qui permettront de produire 1,2 GW supplémentaires. Pour autant, tout cela ne représente que moins de 5% du potentiel du continent en matière de production d’énergie éolienne (estimée à 110 GW).



Energie solaire


D’après l’agence internationale des energies renouvelables (IRENA), les pays africains bénéficient d’une irradiation solaire moyenne comprise entre 1750 kWh/m²/an et 2500 kWh/m²/an. De fait, cette irradiation est bien supérieure à celle de l’Allemagne (1150 kWh/m²/an) qui pourtant dispose d’un parc solaire d’une puissance installée de 40 GW, contre seulement 2,1 GW en Afrique. Dans ses zones tropicales comme désertiques, le continent africain est baigné par les rayons d’un soleil qui y brille toute l’année pendant environ 3000 heures. Depuis 2012, une baisse du coût de production du mégawatt (1,3 million de dollars en moyenne contre 1,8 million de dollars au niveau mondial) a été observée dans cette région. Cette chute des coûts s’est révélée bénéfique pour le développement de nombreux projets de centrales photovoltaïques (ex: NOOR au Maroc, Senergy au Sénégal), ou encore du projet de construction de cinq centrales solaires de 100 mégawatts, chacune mise en place par le gouvernement nigerian, en partenariat avec General Electric. En dépit de ce foisonnement d’initiatives visant à booster ses performances énergétiques, l’Afrique n’exploite qu’une infime partie des 10 TW qui pourraient potentiellement être produits en tirant profit de son ensoleillement particulièrement favorable.


Pourtant, la production d’énergie solaire constitue indéniablement une solution des plus pertinentes aux problèmes de fourniture d’énergie, notamment dans les zones rurales à très faible densité de population, dont les habitants pauvres pour la plupart, ne sont bien souvent pas connectés aux réseaux nationaux. Plusieurs raisons expliquent la marginalisation de ces populations, résultant de leur faible pouvoir d’achat et du coût de raccordement particulièrement élevé en raison de leur éloignement par rapport aux lieux de productions (le kilomètre d’extension de réseau coûtant entre 7000 et 15.000 euros, et pouvant aller jusqu’à 40.000 euros). Ces coûts prohibitifs ont été à l’origine d’une réflexion portant sur un mode de production alternatif, plus adapté au contexte socio économique des populations africaines.



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